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NASRI CHELBI - PSYCHO & SEXOLOGY
14 février 2008

je suis fétichiste des gants des femmes

Nasri Chelbi

Dans les Trois essais de Freud, le fétichisme est cité dans le cadre des déviations par rapport au but sexuel, lorsque le sujet substitue à l'objet "normal" (homme ou femme) une partie du corps de l'autre ou bien un objet inanimé. Le fétichisme s'applique essentiellement à ce dernier cas, mais aussi par extension au fait de pourvoir l'objet humain de telle ou telle caractéristique nécessaire à la réalisation du but sexuel (vêtement, chevelure, particularité physique, etc.). L'usage exclusif d'un tel objet, ou d'un tel trait à des fins de jouissance non génitale définit le fétichisme. Et ce sont les gants que portent lesfemmes, qui définissent mon fétichisme.

Pour moi, la fonction des gants est comme le substitut du pénis de la mère, alors que mon regard tourné vers l'organe sexuel de la mère s'arrête à mi-chemin, fixé sur une image-écran qui servira de compromis entre l'absence constatée de l'organe et le désir de le maintenir à cette place.

De toute façon, le vrai fétiche, l'image "réelle" (mais hallucinée) des gants érigé à l'origine de ma croyance se trouve refoulée par l'image-écran que constituent les gants, disponibles, support de ma sexualité d'adulte. Le gant érigé en idéal remplace et refoule la vision ébahie et primitive de la nudité de la mère, le corps tout entier phallique de la mère, ou bien plus localement la toison pubienne, les seins. Par définition, le culte de la nudité disparaît chez moi car je suis fétichiste.

Tout comme Freud, j’insiste sur la division du sujet, à la fois je reconnais et je démens la castration féminine, en érigeant ce monument si particulier qui sont les gants, distincts des formations de compromis qu'engendre la névrose, puisqu'ils portent exclusivement sur une représentation du pénis féminin. Ils ont pour fonction de récupérer une portion du Ca, de la jouissance, abandonnée avec l'allégeance faite à la réalité, gouvernée par le symbolique et la loi du grand Autre. Les gants prenant valeur de jouissance sont rarement empruntés au corps féminin lui-même, mais plutôt à ce qui le borde, l'entoure, l'enveloppe, ou encore le prolonge. Par ailleurs, ils prennent également valeur d'objet cause du désir dans la mesure où, stoppant la dérive métonymique de l'objet manquant, fixant celui-ci sous l'emblème d'une partie anatomique ou extérieure du corps féminin, ils passent du statut de simple métonymie par rapport au phallus maternel au statut de métaphore nommant mon désir.

Seulement, quelque part, ils conservent cette dimension d'objet-déchet, d'objet usé bon à jeter qui singularise tant son propriétaire et jouisseur - car c'est dans cette mesure, sur fond évident de masochisme, que je m'identifie aux gants. C'est finalement cette référence chez moi aux gants plus que la signification phallique du fétiche repérée par Freud, qui permet de spécifier le fétichisme des gants comme structure. Mieux encore, c'est ce qui confère au fétichisme des gants une valeur paradigmatique pour toutes les perversions, en l'associant toutefois au masochisme. En effet, à partir du moment où toute perversion repose sur une identification structurelle (passive, féminine, masochiste) à l'objet de jouissance, saturant par avance tout désir, et que cela s'accompagne d'un déni de la castration maternelle, il s'ensuit à chaque fois un processus de fétichisation comme "retour" du déni (exactement comme on parle d'un retour du refoulé), avec formation de substitution dont l'organisation dite "fétichiste" ne serait qu'un cas particulier (comme le sadisme, le masochisme secondaire, etc.). En éclairant la position exclusive du moi-même en gants, en-deçà du choix des gants proprement dit, mon structuralisme opère une première généralisation : le fétichisme des gants se trouve désormais, au même titre que le masochisme, à la source de toute perversion. Cependant les gants restent marqués d'une détermination phallique renvoyant à l'Autre ; ils se situent, irrémédiablement, quelque part entre moi et l'Autre et ne me représentent jamais que pour le second. Or même si le processus de formation du gants-fétiche et l'identification du moi-même obéissent aux lois familiaristes de la psychanalyse, la logique du réel est tout autre : la signification des gants ne saurait être que leur autonomie radicale, leur impuissance à représenter quoi que ce soit - ni moi, ni phallus, ni Autre - sinon la jouissance elle-même. Le fétichisme des gants est la vérité de la perversion (et la perversion la vérité de la jouissance) parce que les gants, en tant qu'Unicité, Différence radicale, Jouissance exclusive, etc., ne sont pas tant le substitut d'un manque réel (comme l'enseigne la psychanalyse) que le clone d'un Réel 1 où les relations (donc le manque) n'existent pas encore.

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